Quelles sont les menaces qui pèsent sur les systèmes spatiaux ?

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Source : Wikipedia (pas de crédits)

Dans cet article, nous allons tenter de déterminer quelles sont les différentes menaces qui pèsent sur les systèmes spatiaux.

Cet article est une synthèse du rapport du CSIS (Center for Strategic and International Studies) sur l’évaluation des menaces sur les systèmes spatiaux en 2020 (Space Threat Assessment 2020). Les diapositives utilisées pour illustrer l’article sont issues d’une présentation de Todd Harrison, le directeur de l’analyse du budget de la défense et du projet de sécurité aérospatiale au CSIS.

Le premier satellite dans l’espace a été le satellite russe Spoutnik lancé en 1957. Aussitôt après cet exploit, les États-Unis ont démarré les premières études de développement d’armes antisatellites appelées ASAT (pour Anti-Satellite). Le 1er test d’interception d’un satellite est effectué par les américains le 13 octobre 1959. Il s’agissait d’un missile Boulder Ryan lancé depuis un bombardier dont l’objectif était de faire exploser un bombe nucléaire à proximité du satellite pour le détruire.

Ce type d’armes antisatellites (ASAT) est ce qu’on appelle des armes cinétiques. Mais il en existe bien d’autres. Explorons ensemble le paysage des menaces qui pèsent sur les satellites.

Qu’est-ce qui a changé dans l’espace ?

Qu’est-ce qui a changé dans l’espace pour que de nouvelles menaces apparaissent. Il existe ce qu’on appelle les 4D : Diversité, Disruption, Désordre et Dangereux

Crédits : CSIS (Center for Strategic and International Studies)

L’espace est plus Diversifié

Jusque dans les années 1990, l’espace était principalement dominé par les 2 grandes puissances USA /URSS dont l’affrontement sous la forme d’une guerre froide était en train de prendre fin. Il s’agissait jusqu’alors, essentiellement de satellites militaires. Les russes avaient également un problème de longévité de leurs satellites, si bien qu’ils devaient en lancer plus souvent. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’ils sont devenus si bons dans les lanceurs.

A partir des années 1990, le duopole USA / URSS a commencé à diminuer pour laisser plus de place dans la diversité du paysage spatial avec un plus grand développement des européens mais également de la chine

Crédits : CSIS (Center for Strategic and International Studies)

L’espace est plus Disruptif

Avec la diversité du paysage spatial apparaît également la diversité de l’utilisation des satellites passant d’une utilisation essentiellement militaire à une utilisation de plus en plus commerciale.

L’imagerie satellite se développe de plus en plus. On voit également arriver des satellites météorologiques ainsi que des satellites de télécommunications. C’est la société SpaceX qui apportera la disruption au secteur spatial avec la capacité de faire revenir des lanceurs qui atterrissent sur terre.

Crédits : CSIS (Center for Strategic and International Studies)

L’espace est plus Désordonné

Forcément, avec des usages de plus en plus divers et disruptifs, les sociétés spatiales ont des pratiques qui ne respectent pas toujours les lois et les traités.

Pour pouvoir lancer et opérer des satellites, il faut obtenir des licences auprès de l’Union Internationale des Télécommunications (ITU) et de la Commission Fédérale des Communications (FCC). Les premiers Cubesat comme le SpaceBee 1-4, des petits satellites de 10 cm de côté, ont vu leur licence refusée.

De la même façon, pour pouvoir prendre des photos satellites de la Terre, il faut obtenir une licence de la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration). Manifestement, SpaceX ne l’a pas compris car il embarque systématique des petites caméras pour filmer ses opérations en vol et on  voit systématiquement la Terre en arrière-plan.

De même, quand Elon Musk a réalisé le test de la Falcon Heavy Rocket, il en a profité pour mettre en orbite l’une de ses Tesla rouge. Et pour que tout le monde puisse voir la voiture, il a mis des petites caméras tout autour qui filment et photographient la Terre.

Tous les satellites ont maintenant des caméras. On voit bien que les lois et les traités ne sont pas conçus pour les usages actuels.

Crédits : CSIS (Center for Strategic and International Studies)

L’espace est plus Dangereux

De plus en plus d’activité dépendent de l’espace. Les missiles militaires sont maintenant guidés par satellite. Sur la diapositive, on voit un drone américain, le General Atomics MQ-9 Reaper, dont le guidage se fait par liaison hertzienne mais également par l’intermédiaire d’une liaison satellite appelée « SATCOM ». Les navires obtiennent leur positionnement grâce au GPS. Lors de manœuvres de combats, les communications et le positionnement peuvent se faire en temps réel par satellite.

Crédits : CSIS (Center for Strategic and International Studies)

Tous ces usages montrent que nous sommes devenus de plus en plus dépendants de l’espace alors que la plupart de ces utilisations ne sont pas adéquatement protégées face à une prolifération de menace sans cesse grandissante.

En 2007, les chinois ont reconnu avoir réalisé un test ASAT (anti-satellite) en détruisant l’un de leur propre satellite météorologique, créant ainsi des milliers de débris menaçant d’autres engins spatiaux. On parle de  plus de 3000 gros débris et plusieurs milliers de petits débris. Plus récemment, en 2015, les chinois ont reconnu avoir réalisé d’autres tests ASAT à partir de missile DN-3

Par contre, un tir ASAT est sans ambiguïté un acte hostile vis-à-vis d’une nation. On est capable de savoir qui l’a fait, de détecter l’origine du tir, beaucoup d’observateurs peuvent en être témoins. Tout cela provoque un effet dissuasif si bien qu’il n’y a pratiquement plus de tests ASAT.

Par contre, les menaces les plus redoutées sont celles dont les attributions sont les plus difficiles. On parle ici de système de brouillage. Ce sont des attaques invisibles, où rien n’explose, personne ne meurt et dont personne n’a conscience. A la différence des attaques ASAT qui sont irréversibles, les attaques par brouillage sont réversibles. On peut les activer et les désactiver à volonté. Ce type de menace est vraiment très insidieux à traiter.

Dans la diapositive en haut à droite, on peut voir par exemple des brouilleurs GPS et des brouilleurs de SATCOM (communications par satellites) qui sont montés sur des camions. La Russie en a développé beaucoup qu’ils ont utilisé en Ukraine et en Syrie.

Sur le côté gauche, on peut apercevoir une autre menace pour les systèmes spatiaux dont il est très difficile de faire face. ll s’agit d’armes de précision par laser qui servent à éblouir ou aveugler les satellites d’imagerie. C’est aussi un autre type d’attaque qu’il est très difficile à gérer.

Crédits : CSIS (Center for Strategic and International Studies)

Tous les exemples que nous venons de passer en revue montre que nous avons de plus en plus d’usage qui dépendent de l’espace. Et parallèlement à cette dépendance, on se rend compte que les systèmes spatiaux sont de plus en plus exposés à des menaces et vulnérables à des attaques.

Quelles sont les différentes menaces qui pèsent sur les systèmes spatiaux

Il existe 4 grandes familles de menaces qui pèsent sur les systèmes spatiaux :

  • Les menaces physiques cinétiques
  • Les menaces physiques non-cinétiques
  • Les menaces électroniques
  • Les menaces cyber

Les menaces physiques cinétiques

Crédits : CSIS (Center for Strategic and International Studies)

Les menaces cinétiques physiques représentent des armes qui tentent de frapper directement ou de faire exploser une ogive à proximité d’un satellite ou d’une station au sol. Cela peut se faire soit par un ASAT à trajectoire ascendante ou soit par un ASAT qui croise l’orbite du satellite cible.

Un ASAT co-orbital diffère d’un ASAT à ascendance directe dans le sens où un ASAT co-orbital doit dans un premier être placé en orbite, puis dans un deuxième temps être manœuvré pour atteindre sa cible. Les ASAT peuvent rester en sommeil en orbite pendant des jours voire même des années avant d’être activés. Le système de guidage à bord de tels ASAT nécessite un niveau de sophistication et de technologie relativement élevé ainsi que des ressources importantes de tests et de déploiement.

Les stations au sol sont plus vulnérables que les satellites en orbite. Elles sont menacées par des armes plus traditionnelles comme des armes militaires, des missiles guidés ou encore par des missiles à longue portée. Les stations au sol peuvent également être perturbée indirectement par des attaques sur le réseau électrique ou sur les moyens de communication.

Les attaques physiques cinétiques ont généralement des effets irréversibles sur leurs cibles. Elles sont susceptibles d’être attribuées plus ou moins facilement en identifiant la source de l’attaque. Si celle-ci réussie, son effet est susceptible d’être visible publiquement soit à travers les débris orbitaux, soit via la station au sol endommagé. Tout cela provoque un effet dissuasif à ce type d’attaque.

Les menaces physiques non-cinétiques

Crédits : CSIS (Center for Strategic and International Studies)

Les menaces physiques non-cinétiques représentent des armes tels que des lasers, des armes de type HPM (high-powered microwave) et des armes de type EMP (electromagnetic pulse). Ce sont des armes qui ont des effets physiques sur leur cible mais sans établir de contact physique. Ces attaques se déroulent souvent à la vitesse de la lumière. Dans la plupart des cas, elles sont invisibles et donc très difficiles à attribuer.

Les lasers à forte puissance peuvent être utilisés pour endommager ou dégrader les composants sensibles des satellites comme les panneaux solaires. Les lasers peuvent
également être utilisés pour éblouir temporairement ou définitivement des capteurs sensibles de satellites. Ciblé un satellite depuis la Terre avec un laser n’est pas une mince affaire étant donné que le laser traverse la couche atmosphérique. Cela nécessite un faisceau d’un très bonne qualité et un contrôle avancé du pointage, sans compter le degré de sophistication et le coût de la technologie.

La difficulté pour l’attaquant est qu’il a une capacité très limitée pour savoir si son attaque a abouti ou non.

Une arme de type HPM peut être utilisée pour perturber l’électronique d’un satellite, corrompre les données stockées en mémoire, provoquer le redémarrage des processeurs ou encore avec des niveaux de puissance plus élevés, causer des dommages irréversibles aux circuits électroniques et aux processeurs.

Par contre, les ondes électromagnétiques  se dispersent et s’affaiblissent avec la distance et la traversée de l’atmosphère. C’est pour cela qu’il est préférable d’opérer une attaque de type HPM depuis un autre satellite en orbite.

Les menaces électroniques

Crédits : CSIS (Center for Strategic and International Studies)

Les menaces électroniques correspondent à des attaques par brouillage (Jamming) ou d’usurpation de signaux de radiofréquences (RF). Le brouillage est une forme d’attaque électronique qui interfère avec les communications RF en générant du bruit dans la même fréquence et dans le même champ de vision que l’antenne du satellite visé ou du récepteur.

Les brouilleurs peuvent interférer soient les liaisons montantes allant de la terre au satellite comme les communications de Command and Control, soit les liaisons descendantes allant du satellite vers le sol comme par exemple vers les utilisateurs (voir notre article sur les éléments composant un système de C&C d’un satellite). Les brouilleurs peuvent cibler des antennes paraboliques, des récepteurs GPS, des téléphones satellites.

La technologie nécessaire pour faire du brouillage de signaux est commercialement disponible et relativement peu coûteuse. Le brouillage est une forme d’attaque réversible dans la mesure où, une fois le brouilleur éteint, les communications reviennent à la normale. Le brouillage est également une attaque qui peut être difficile à détecter ou distinguer des interférences accidentelles.

L’usurpation de signaux de RF est une forme d’attaque électronique où l’agresseur piège un récepteur en lui envoyant un faux signal produit par la l’attaquant. L’usurpation de la liaison descendante d’un satellite
peut être utilisée pour injecter de fausses données ou des données corrompues

Si un attaquant réussit à usurper le signal de Command and Control d’une liaison montante vers un satellite, il pourrait prendre le contrôle du satellite à des fins malveillantes.

Une forme d’attaque d’usurpation de signaux RF appelée « meaconing » permet d’usurper des signaux GPS militaires même si ceux-ci sont chiffrés. Le meaconing ne nécessite pas de casser le chiffrement GPS. Il se contente de rediffuser une copie du signal décalée dans le temps ou avec des données altérées.

Les menaces cyber

Crédits : CSIS (Center for Strategic and International Studies)

A la différence des attaques électroniques qui interférent avec la transmission des signaux RF, les cyberattaques visent quant à elles, les données elles-mêmes ainsi que les systèmes qui utilisent ces données. Les antennes des satellites, les antennes des stations au sol, les lignes de communications qui relient les stations aux réseaux terrestres, les terminaux des utilisateurs qui se connectent au satellite, sont toutes des cibles potentielles d’attaques et peuvent faire l’objet de tentatives d’intrusion.

Les cyberattaques peuvent être utilisés pour déterminer qui communique avec qui, pour écouter le trafic ou pour injecter des données corrompues et de paquets malformés à destination des systèmes.

Les cyberattaques nécessitent un haut niveau de connaissance et de compréhension de l’environnement. Par contre, elles ne nécessitent pas nécessairement de ressources très conséquentes.

Les cyberattaques peuvent être contractées à des groupes privés ou à des particuliers, ce qui signifie qu’un acteur étatique ou non étatique qui manque de cyber-capacités internes peut toujours constituer une cyber-menace.

Une cyberattaque sur un système spatial peut entraîner des perte de données, générer des perturbations voire même la perte définitive d’un satellite. Par exemple, si un adversaire arrive à prendre la main sur le système de Command and Control d’un satellite, l’attaquant pourrait couper toutes les communications, augmenter sa puissance de propulsion, endommager ses équipements électroniques et
ses capteurs et finalement endommager de façon irréversible le satellite.

L’attribution précise d’une cyberattaque peut être difficile, voire impossible. Les attaquant utilisent en générale diverses méthodes pour dissimuler leur identité,
comme l’utilisation de serveurs détournés.

Synthèse des menaces qui pèsent sur les systèmes spatiaux

Les deux tableaux du CSIS ci-dessous sont une synthèse des menaces sur les systèmes spatiaux. Le premier résume les 4 grandes familles de menaces avec leurs caractéristiques.

Crédits : CSIS (Center for Strategic and International Studies)

Le tableau du CSIS ci-dessous présente une synthèse de l’ensemble des menaces que nous venons de parcourir et qui montre que leurs caractéristiques varient en fonction du type d’attaque.

Crédits : CSIS (Center for Strategic and International Studies)

Notre prochain article sera dédié aux menaces Cyber qui pèsent sur les systèmes spatiaux.

Ressources

Le rapport complet sur l’évaluation des menaces sur les systèmes spatiaux (Space Threat Assessment 2020) est disponible depuis avril 2020 sur le site du CSIS.

Sur le même thême, l’organisme Secure World Fundation (SWF) a également sorti un rapport d’évaluation sur les capacité de nuisance dans l’espace. Le rapport est disponible sur le site du SWF.

 

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